

« Un an s’est écoulé depuis la soudaine attaque venue des profondeurs de l’océan. Le Grimmark autrefois farouchement indépendant n’est plus qu’une simple province, que les Poissons-crânes administrent d’une nageoire de fer. Nym, devenu sous-gouverneur, a fort à faire : la rébellion, dirigée par un certain capitaine Magnus, menace la stabilité de l’Empire, tandis que la cité libre de Skemma persiste à le défier.
Loin au Nord, Sof, déterminée à ne plus rester passive devant les événements, apprend la Musique sous la tutelle d’assassins. Son frère Solal, qui a enfin retrouvé la raison, s’embarque pour un mystérieux voyage.
Un voyage dont personne au Grimmark ne sortira indemne…
Sur les champs de bataille, dans les couloirs des palais ou les ruelles obscures, lames et mots acérés seront les armes de ce combat sans merci pour le destin de tout un peuple. »

Deux années après avoir découvert l’univers steampunko-fantasy de Vaisseau d’Arcane au travers du premier tome de la série, c’est avec ce second volume que se conclut l’histoire de Sof, Magnus, Nym et les autres. Soulignons qu’Adrien Tomas a en effet l’élégance de nous proposer une aventure relativement courte, qui ne se perd pas en longueurs inutiles et en tomes de remplissage… Et cela est agréable !
Une fois n’est pas coutume, nous ne reprenons pas les évènements là où le tome un s’était achevé, mais environ une année plus tard. L’invasion des Poissons-Crânes est accomplie et ces derniers règnent désormais sur un Empire qu’ils « assainissent » à coup de purges en tout genre. Chacun de nos personnages a suivi son bout de chemin. Solal, qui a repris sa pleine conscience, cherche l’Arcane elle-même. Sof vit avec les Orcs de Domka au sein d’une ambule, tout en apprenant à devenir une tueuse hors pair grâce à l’aide de la maîtresse du Cénacle Brume, elle aussi réfugiée chez nos amis au sang de sève. Magnus, après avoir pris les armes contre l’invasion, a pris la tête de la rébellion décidée à faire déguerpir l’envahisseur amphibien. Et enfin, Nym et Gabba Do servent l’Empire des Abysses : avec satisfaction pour le premier – toujours certain d’agir pour le bien de l’humanité – et avec ressentiment pour le second – qui ne digère continuellement pas avoir été abusé de la sorte par ses camarades.
Bien évidemment, il va rapidement être évident que les Poissons-Crânes ne sont pas les pacifistes espérés : ils poursuivent un objectif précis impliquant l’Arcane. Sof, Solal et leurs alliés vont ainsi devoir tout mettre en œuvre pour protéger une entité vitale pour leurs terres.

« Magnus sourit tristement. Il lui restait toujours son sens du devoir : la raison pour laquelle il avait rejoint le Quart et s’était élevé au grade de capitaine ; la raison pour laquelle il s’était brièvement battu au sein de l’armée grimmoise lors de l’invasion des Poissons-crânes ; la raison qui expliquait encore un peu qui il était, pourquoi il faisait tout cela.
La fine muraille qui le séparait du moment, à la fois envié et redouté, de se coller un pistolet contre la tempe et de presser la détente.
Il lui restait encore le besoin de protéger ses semblables. Son peuple. Son pays.
C’était un désir sobre, calme, en nuances de gris, loin des splendeurs colorées de l’amour passionnel ou des éclats de l’héroïsme martial : un but de préservation, de protection, de survie, un objectif au long terme, une mission qui ne prendrait jamais fin. Il resterait toujours des gens à protéger, des faibles devant lesquels dresser une égide, des victimes à qui apporter du réconfort… Et des monstres à éliminer.
Sa cible apparut à l’angle de la rue. »

Le premier tome de Vaisseau d’Arcane, s’il m’avait plu, n’avait pas été un coup de cœur. Cela se confirme avec ce second tome de bonne facture, qui pêche néanmoins par un démarrage plutôt long sur lequel il me faut avouer avoir peiné. Nuançons tout de même cela par le fait que j’ai été souffrante pendant la première moitié de ma lecture et que de fait, cette difficulté à entrer dans l’histoire peut être de mon seul fait. À noter qu’Adrien Tomas fait en début d’ouvrage quelque chose d’absolument génial : il récapitule le tome un – ce qui à mon sens devrait être une obligation 😆 – sous la forme de brèves coupures de presse, clin d’œil au métier de journaliste exercé par le personnage de Solal.
La réintroduction passée, nous retrouvons la science savante de la narration du premier tome ; Adrien Tomas expose cet univers travaillé avec patience, à la fois suffisamment complexe pour qu’on soit repus et en même temps suffisamment simple pour ne pas que l’on s’y perde. Il sait entraîner avec efficacité le lecteur dans un monde aux problématiques proches du nôtre (avec toujours cet engagement politique à l’effet didactique qui pourrait agacer certain). À côté de cela, le « steampunk » est bien dosé. Si ce genre me plaît beaucoup, il est assez rare qu’il me satisfasse en littérature. Me viennent en tête des déconvenues telles que Les noces mécaniques de Marie Kneib ou Les voies d’Anubis de Tim Powers, récits incapables de faire vivre le concept pleinement. Adrien Tomas ne s’y trompe pas, ne se contentant pas de l’esthétique plaisante du genre, mais s’en emparant complètement dans ses dimensions éthiques et politiques.
Ainsi, dans cet univers savamment mis en place, nous suivons avec délectation nos nombreux personnages. Sof, tout d’abord, qui grâce à sa droiture et sa détermination, va suivre sa voie. Son caractère la rend froide à l’excès, ce qui est parfois déroutant lorsque l’on suit son point de vue. Solal et Magnus sont davantage classiques dans leurs personnalités. Quant à Nym et Gabba Do, ils apportent la nuance nécessaire en étant de parfaits personnages « gris », le premier refusant de constater qu’il se trompe sur toute la ligne et le second faisait preuve d’un égoïsme chargé de ressentiment. Ma préférence, comme dans le premier tome, va d’ailleurs vers eux ainsi que vers Magnus, l’ex-fiancé que nous ne connaissions pas si bien que cela finalement.
Le dernier tiers du roman est absolument captivant, bien que l’auteur fasse trop souvent le choix de la narration après-coup, ce qui aboutit à une certaine frustration. Néanmoins, la satisfaction des nombreuses révélations et des explications nous tient en haleine et fait de cette histoire une de celles que l’on n’oublie pas sitôt fermée. Ainsi, je dois vous avouer être curieuse de découvrir les publications jeunesses de l’auteur se déroulant dans le même univers. Les avez-vous lus ?


En conclusion… Un bon moment de lecture, à conseiller à tout amateur de fantasy !
↪ Des lecteurs satisfaits chez Les chroniques du chroniqueur & Les fantasy d’Amanda.
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